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cette couche épaisse se trouve la rivière et nagent les hippopotames.

Les caravanes passent quelquefois sur ces radeaux au moment où ils se décomposent, et plus d’une s’est perdue corps et biens dans ces traversées. Ce ne fut donc pas sans de graves appréhensions que mes hommes s’aventurèrent sur l’îlot mouvant. Mais chacun aborda sain et sauf, puis, marchant au milieu d’habitations et de terrains cultivés, nous gagnâmes bientôt le village d’Itammbara, capitale de l’Ouvinnza.

Je jetai un regard en arrière ; le pays que nous venions de franchir me représenta un archipel. Les collines, avec leurs promontoires, leurs baies, leurs falaises, collines séparées les unes des autres par des gorges étroites, figuraient des îles nombreuses. Beaucoup d’entre elles avaient les flancs tellement abrupts que leurs sommets paraissaient inaccessibles ; mais les spirales d’un bleu pâle qui surmontaient leurs faîtes trahissaient la présence de villages, nichés sous les saillies du roc. Prise dans son ensemble la scène était d’une merveilleuse beauté[1].

L’Ouvinnza est une contrée fertile ; le maïs, le sorgho, les patates, le tabac, y abondaient, ainsi que des haricots poussant sur des arbustes.

Nous fûmes cordialement accueillis par le ministre du chef, qui mit des cases à notre disposition, et qui, pensant que nous devions avoir faim, m’envoya une chèvre et des volailles pour ma table, de la farine pour mes hommes.

À Itammbara, un mhonngo est réclamé comme droit de passage du Malagaradzi. Le chiffre de ce tribut fut élevé ; mais il me libérait, disait-on, vis-à-vis du moutoualé[2] d’Ougaga, endroit où l’on prend le bac, et où je ne devais avoir à payer que les rameurs.

La conclusion de cette affaire et le séchage des ballots, qui avaient eu beaucoup à souffrir des dernières averses, nous prirent un jour entier. Une autre journée fut perdue par l’entêtement de Bombay à ne pas réunir les hommes pour le départ, sous prétexte que les vivres étaient à bas prix :

« Nourriture bon marché, maître ; mieux vaut rester un jour de plus. »

  1. Voy., pour toute cette région, Stanley, Comment j’ai retrouvé Livingstone, p. 422-496 et 473. (Note du traducteur.)
  2. Le titre de moutoualé désigne dans tout l’Ouvinnza et dans quelques pays voisins le chef d’un simple village.