Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À peine avions-nous fait quatre milles, que l’un de mes gens, appelé Soungoro, déclara qu’il était trop malade pour aller plus loin. Je le laissai donc dans un village de sauniers, chez un nègre de la côte qui s’était fixé là, et que je payai pour avoir soin du malade, avec ordre de l’envoyer à Oudjidji, par une caravane, dès qu’il serait convalescent.

La pluie tombant avec force, je m’arrêtai de bonne heure. Pendant qu’on dressait ma tente, j’appelai Léo ; il ne vint pas. J’envoyai à sa recherche ; on me le rapporta presque immédiatement. Il n’eut que la force de me lécher la main, essaya de remuer la queue, retomba et mourut à mes pieds.

Il fallait qu’un serpent l’eût mordu, car peu de temps avant il était plein de vie et courait gaiement sur la route.

Peu de personnes comprendront ce que, dans ma solitude, la perte de mon chien fut pour moi, et quel vide douloureux sa mort fit dans ma vie quotidienne.

Cinq heures de marche nous conduisirent ensuite au Roussoudji, qui arrose une vallée flanquée de collines rocheuses et qui va rejoindre le Malagaradzi. Il offre cette particularité que, bien que traversant des terres imprégnées de sel, ses eaux n’en sont pas moins parfaitement douces. Sur ses deux rives se voyaient des villages déserts, des foyers, des tessons de poterie en nombre incalculable, de petites fosses où l’on avait fait du sel ; ces villages, habités dans la saison où s’exploitent les salines, étaient maintenant abandonnés.

Pendant la nuit, nous fûmes réveillés par les ânes qui faisaient un bruit épouvantable ; ayant été voir ce qui les mettait dans cet émoi, nous vîmes que l’un d’eux avait été mordu au nez par quelque bête sauvage ; mais c’était peu de chose : l’aliboron avait eu plus de peur que de mal.

Les trois étapes suivantes nous firent traverser un mélange de broussailles et de grandes herbes, où de temps à autre se rencontraient des affleurements de granit. Dans la première de ces marches nous passâmes dix grands ruisseaux, en outre du Rougouvou, qui avait alors vingt pieds de large et quatre pieds et demi de profondeur. Le second jour, nous en traversâmes douze ; le troisième nous franchîmes le Massoungoué.

Il y avait sur la route beaucoup de traces de buffles et d’éléphants ; plusieurs fois même nous entendîmes ces derniers sonner de la trompe dans la jungle.