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il me fut dit qu’elles se mutilaient elles-mêmes de la sorte par manière d’ornement. L’opération me parut être trop douloureuse pour qu’elle fût volontaire ; je présumai que c’était un châtiment, et je conserve mes soupçons à cet égard. En général, c’étaient les plus jolies qui étaient ainsi mutilées.

On fait ici d’élégants petits peignes d’ivoire qui, lorsqu’on a fini de s’en servir, se mettent dans les cheveux, où ils produisent très bon effet ; ils se vendent un prix modeste : quatre rangs de perles.

À la verroterie et au sammbo ordinaires, s’ajoutent de gros anneaux de fer et de cuivre jaune, qui se portent aux bras et aux chevilles. Ceux qui ne peuvent pas se donner ces parures coûteuses, les remplacent par de petits cercles d’herbe tressée.

Au lieu d’être entourée, comme ailleurs, de fil de fer ou de laiton, la corde qui passe autour des reins pour soutenir la draperie est souvent couverte de perles de couleurs diverses. Beaucoup d’hommes lui préfèrent une large ceinture de cuir. Quelques-uns portent de petites calottes faites avec des grains de verre enfilés.

Le lendemain, favorisés par un bon vent, nous déployâmes nos voiles ; celle du Pickle était composée d’une natte et des draperies de l’équipage.

Comme nous passions devant le Louhouazihoua, je crus à un émissaire du lac ; je m’y engageai pour en déterminer la direction et trouvai bientôt les bancs de sable et les herbes flottantes de l’embouchure.

Le Louhouazihoua prend, dit-on, sa source dans le pays de Mannbemmbé et fait de nombreux détours ; les caravanes qui se rendent de Kassenngé à Akalonnga le traversent trois fois.

En surplus des rivières et des torrents sans nombre dont il reçoit les eaux, je crois que le Tanganyika est alimenté par des sources que renferme son lit. À chaque endroit où s’est produit un éboulement, l’eau surgit entre les pierres et s’écroule dans le lac. Où nous étions alors, tout le pays ressemble à une éponge imbibée d’eau.

Le gibier abondait ; mais au furoncle dont j’avais souffert sur la route de l’Oudjidji avait succédé une plaie de mauvaise nature, à laquelle s’était jointe une pustule fort douloureuse ; j’étais si écloppé que je ne pouvais pas aller du bateau jusqu’à ma tente ; il fallait qu’on me portât ; la chasse m’était donc impossible.