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Bien nourris, les moutons ont beaucoup de graisse ; et les chèvres castrées deviennent d’une grosseur et d’une bonté particulières. Les femelles sont prodigieusement fécondes ; j’en ai vu plusieurs avoir quatre petits d’une seule portée ; on m’a dit qu’elles en avaient jusqu’à six et toujours au moins trois.

Nous arrivâmes ensuite à un grand village où notre camp fut établi. Tous les gens des alentours vinrent regarder l’homme blanc, qui pour eux, cependant, n’était pas une nouveauté, puisque Livingstone avait passé plusieurs mois chez Moéné Koussou, grand chef du voisinage[1].

Moéné Koussou était mort et avait été remplacé par ses deux fils, Moéné Bougga et Moéné Gohé. Celui-ci vint nous voir, et offrit, de la part de son frère et de la sienne, l’hospitalité la plus large au compatriote de Livingstone, du voyageur dont la conduite équitable et douce avait gagné à tous les Anglais le respect des indigènes.

Nous fûmes arrêtés là par la maladie de Mouinyi Bokhari, l’un des petits traitants de notre caravane, qui, ne se trouvant pas assez riche pour acheter des denrées, s’efforçait de vivre de terre et d’herbe[2], ce dont naturellement souffrait son organisme.

Remis en marche le 1er juillet dans un pays populeux et bien cultivé, arrosé de nombreux cours d’eau vifs et limpides, affluents du Louama, nous arrivâmes chez Moéné Bougga, qui nous fit un chaleureux accueil, et me parla très affectueusement de Livingstone ; celui-ci évidemment était très aimé de toute la population.

Moéné Bougga est fort respecté dans tous les villages voisins. Il n’y a pas, de ce côté-ci du Manyéma, l’état de guerre permanent qui existe de bourgade à bourgade dans les autres parties de la province et désole le pays.

Fils de Moéné Koussou, ainsi que nous l’avons dit plus haut, Bougga suit la politique de son père vis-à-vis des traitants. Il

  1. Moïnékouss de Livingstone, nom qui signifie : seigneur du perroquet, d’après celui du perroquet rouge appelé Kouss dans le Manyéma, où cet oiseau joué un rôle important, surtout par son plumage : il faut avoir tué un homme pour avoir le droit de mettre dans ses cheveux l’une des plumes rouges du Kouss. Voyez Livingstone, Dernier Journal, tome II, p. 103 et 109. Paris, Hachette, 1876. (Note du traducteur.)
  2. Peut-être moins par avarice que par maladie ; voyez dans Livingstone, Dernier Journal, vol. II, p. 93, les détails de cette curieuse affection, appelée safara à Zanzibar, et dans laquelle les malades mangent de l’argile, même au sein de l’abondance. (Note du traducteur.)