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Peu de temps après, Kamouassa, l’un des fils de Manyara, chef qui était bien avec les Arabes, vint à notre camp. Je m’efforçai de le faire agir auprès des indigènes, afin de les amener à offrir la paix. De ce côté-là non plus, je ne pus rien obtenir.

Il y eut dans la nuit beaucoup d’alertes, plusieurs décharges de fusils. Le lendemain matin, pendant qu’une foule hurlante se pressait autour de notre enceinte, arriva Kamouassa ; il ordonna aux indigènes de consentir à un arrangement ; et cette fois il fut écouté.

S’ils avaient été seuls, je crois que les Arabes auraient continué la lutte, mais ils se dirent : « L’Anglais fera son rapport au consulat, il se plaindra de nous ; » et comme ils ont le plus grand respect pour le consul britannique, qu’ils mettent au-dessus de tous les personnages de Zanzibar, presque sur un pied d’égalité avec leur sultan, ma présence les détermina à faire des ouvertures de paix.

Les négociations furent donc entamées. Des représentants des deux partis se rendirent sur les bords d’une rivière située près du bivouac ; ils se rejoignirent au milieu du courant et se lavèrent réciproquement le visage. Puis les indigènes vinrent du côté où nous étions, et quelques-uns des chefs fraternisèrent avec des hommes de la caravane. L’échange du sang terminé, quelques signes furent tracés sur du papier avec une plume et de l’encre. On mit le papier dans un chaudron plein d’eau, on y ajouta une charge de poudre, on fit bouillir, et tous les gens des Arabes burent de cette décoction, qui fut représentée aux indigènes comme un charme d’une puissance irrésistible.

La paix étant conclue, tous mes efforts tendirent à faire relâcher les captifs. Je rencontrai sur ce point une opposition très vive ; mais j’insistai et l’on finit par consentir à les libérer moyennant rançon. Les rendre purement et simplement aurait fait croire aux indigènes que nous cédions à la peur ; cela aurait suffi pour nous faire attaquer sur la route.

Le rachat des prisonniers se fit avec des chèvres qui accrurent la fatigue et l’ennui de la marche suivante par leurs fugues continuelles dans la jungle.

Bien que l’échange dût être complet, je retrouvai le soir, dans la caravane, d’autres captifs de même provenance, et réclamai leur liberté. La discussion fut orageuse ; nous avions traversé la plus mauvaise partie du Manyéma, et les Arabes ne tenaient