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la caravane, dans l’espoir de me faire rétrograder. Cette fois on voulait me contraindre à renoncer à l’exploration du Mohrya. S’ils avaient réussi, mes gens auraient empêché toute autre excursion, et pensé de nouveau à me faire reprendre la route de Zanzibar. Mais je forçai Bilâl à baisser de ton en le chassant à coups de pied de ses patins, que je lui jetai à la tête, et l’ordre fut rétabli.

La marche débuta dans un pays montueux et bien boisé, où de grands villages, cachés dans d’épais massifs de jungles, n’étaient accessibles chacun que par un étroit couloir.

Ce tunnel sinueux, creusé dans l’épaisseur du hallier, et si bas qu’on ne peut guère y passer qu’en se traînant sur les genoux, aboutit à un porche, composé d’une série de troncs d’arbres plantés de manière à figurer un V, dont la pointe regarde les arrivants. En cas d’attaque, l’ouverture est fermée par une lourde herse, et l’ennemi ne doit pas espérer de forcer la porte.

Néanmoins, ces villages sont fréquemment surpris par les gens des communes voisines pendant l’absence de leurs guerriers ; car, bien que toutes les provinces de l’Ouroua soient nominalement sous la domination de Kassonngo, les bourgs et les districts sont souvent en guerre les uns avec les autres.

Notre troisième étape, celle du 1er novembre, nous mit en vue du lac Mohrya. Là, j’eus avec mon guide une vive altercation. Je lui avais donné des grains de verre pour acheter des denrées, ne voulant pas qu’il volât tant qu’il serait avec moi ; mais, appartenant à la cour, il croyait devoir s’emparer de tout ce qui lui convenait, et à peine vit-il des indigènes apporter des provisions qu’il se mit à les piller. « En voyage, répondit-il à mes remontrances, c’est la coutume, pour Kassonngo et pour les gens de sa maison, de prendre tout ce qu’ils veulent ; je ne renoncerai pas à mon droit. Si, d’après vous, les objets sont volés, payez-les. »

L’affaire arrangée, nous atteignîmes un grand village bâti près de l’extrémité occidentale du lac, et je fis dresser ma tente.

Le lac Mohrya occupe le fond d’un petit bassin enveloppé de collines basses et boisées. La partie découverte de sa nappe formait alors un ovale de deux milles de long sur un de large, ovale entouré d’une ceinture de végétation flottante, et dont le grand axe courait de l’est-nord-est à l’ouest-sud-ouest.

Ainsi qu’on me l’avait annoncé, trois bourgades et quelques