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taine. Quelques-uns de ces gouverneurs ont un pouvoir héréditaire ; les autres sont nommés pour quatre ans. À l’expiration de ce terme, s’ils ont bien rempli leurs fonctions, ils peuvent être renommés, soit dans le même district, soit ailleurs ; mais si Kassonngo n’est pas content d’eux, il leur fait couper le nez, les oreilles ou les mains.

La hiérarchie sociale est fortement établie, et une grande déférence est exigée des inférieurs. J’en ai eu de nombreux exemples, dont l’un surtout m’a vivement frappé. Un homme de condition en causant avec moi vint à s’asseoir, oubliant qu’un de ses supérieurs était présent ; immédiatement il fut pris à part et chapitré sur l’énormité de son offense. J’appris ensuite que, si je n’avais pas été là, il eût sans doute payé de ses deux oreilles la faute qu’il avait commise.

On ne connaît dans l’Ouroua que deux châtiments : la mutilation et la peine de mort, toutes les deux fort en usage, surtout la première. Pour la moindre peccadille, le chef et ses lieutenants font couper un doigt, une lèvre, un morceau de l’oreille ou du nez. Pour des fautes plus sérieuses, ils prennent les mains, les oreilles, le nez, les orteils, et souvent tous ensemble.

Kassonngo, de même que le faisaient ses prédécesseurs, s’arroge un pouvoir et des honneurs divins. Il se dit au-dessus des nécessités de la vie et prétend qu’il n’a pas besoin de nourriture : s’il mange, s’il boit, s’il fume, c’est tout simplement parce qu’il y trouve du plaisir.

En surplus de sa première épouse et de son harem, il se vante d’avoir droit sur toute femme qui, lorsqu’il est en voyage, plaît à ses regards. Cette femme devient-elle mère d’un fils, il lui donne une peau de singe pour envelopper l’enfant, cette peau conférant le droit de prendre des vivres, de l’étoffe, etc., chez tous les gens qui ne sont pas de sang royal.

Du coucher au lever du soleil, aucun homme, excepté le maître, ne peut entrer dans le harem, sous peine de mort ; même si l’une des femmes du sérail accouche d’un garçon pendant la nuit, la mère et l’enfant sont immédiatement chassés.

Les cinq ou six premières épouses sont toutes de sang royal, étant les sœurs et les cousines germaines du chef. Parmi les autres, il n’y a pas seulement ses sœurs et ses cousines, mais ses belles-mères, ses tantes, ses nièces et, chose plus horrible à dire, ses propres filles.