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Dans l’après-midi du second jour, apparut le marié ; il exécuta un pas seul qui dura une demi-heure. Au moment où ce solo finissait, une jeune fille de neuf à dix ans, parée des plus beaux atours que pouvait fournir le pays, fut apportée près des danseurs. Cette jeune fille, qui était l’épousée, arrivait à cheval sur les épaules d’une robuste commère, où la maintenait une autre femme.

On entoura les arrivantes ; puis les porteuses se mettant à bondir, firent sauter la mariée, qui laissa aller son corps et ses bras à l’abandon.

Quand la pauvre enfant eut été suffisamment secouée, au point que j’ai vu la femme qui la portait en avoir le dos et les épaules dépouillés, l’époux lui donna des fragments de feuilles de tabac et de petites quantités de perles qu’elle jeta, les yeux fermés, parmi les danseurs. Ce fut le signal d’une lutte passionnée, chacune de ces bribes devant porter bonheur à celui qui l’obtiendrait.

La mariée fut ensuite déposée à terre et dansa de la façon la plus obscène pendant dix minutes avec le marié, qui, tout à coup, la mit sous son bras et l’emporta chez lui.

La ronde, les cris, la tambourinade, le jeu des pipeaux, les applaudissements n’en continuèrent pas moins ; ils duraient encore lorsque nous partîmes.

Une plaine, renfermant de nombreuses cultures, fut traversée ; puis le Tchannkodji, cours d’eau important qui se dirigeait au sud pour gagner le Lovoï, et nous atteignîmes des collines rocheuses couvertes d’arbres et de lianes.

La brèche où nous fit passer la route, pour franchir cette chaîne, avait environ quatre cents yards de large ; ses flancs à pic, formés d’énormes blocs de gneiss, ressemblaient à des murailles construites par des géants. Dans les fentes du rocher, crevasses sans nombre, des arbustes et des lianes avaient pris racine, et décoraient la falaise d’un réseau de verdure.

De l’autre côté de la passe était un pays accidenté ; puis une rangée d’escarpements qui allaient rejoindre les monts Kilouala.

Nous nous arrêtâmes à Mouéhou. Quelques survivants d’une population dont les villages avaient été détruits s’étaient bâti là des huttes provisoires et commençaient à défricher le sol.

À peine le camp était-il dressé qu’un orage, accompagné de vio-