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exister des hommes aussi brutalement cruels, et de gaieté de cœur.

Tout le personnel de l’expédition était déplorable, La caravane, dont les esclaves d’Alvez et les porteurs amenés par celui-ci constituaient le noyau, se composait surtout de groupes indépendants, formés de gens du Bihé, du Lovalé, du Kibokoué venus dans l’Ouroua pour chasser l’homme. Ces francs pilleurs, tous armés de fusils, avaient été encouragés à se joindre à nous pour augmenter la force de notre bande ; mais ils n’avaient aucune discipline, ne reconnaissant nulle autorité, et entravaient constamment la marche. Ils se réunissaient, parfois au nombre d’une centaine, pour discuter les ordres du chef, imposaient des haltes, et s’en allaient en maraude.

À notre départ, la caravane entière pouvait compter sept cents membres ; avant d’être sortis de l’Ouroua, ces gens-là y avaient ajouté plus de quinze cents esclaves, dus principalement à la violence et au vol.

Il devenait évident que si les travaux de construction étaient abandonnés à Alvez, et aux gens de sa suite, des années s’écouleraient avant que la maison fût achevée. J’y employai donc mes hommes, qui en trois semaines terminèrent le gros œuvre ; il ne resta plus qu’à enduire les murs et à les décorer, ce qui fut fait par les épouses de Kassonngo, sous la direction de Foumé a Kenna.

Au commencement d’avril, la maison était finie ; mais on n’avait pas de nouvelles d’un détachement qui, au lieu de venir avec nous, s’était rendu à Kanyoka ; il fallait l’attendre. Puis Kassonngo, bientôt las d’être à la même place, s’en alla en expédition avec Coïmbra et d’autres bandits de la caravane d’Alvez.

Le mois d’avril se traîna sans ramener les absents. Effrayés de la route qui était devant nous, plusieurs de mes hommes retournèrent chez Méricani ; ils me furent renvoyés avec cet avis adressé à tous les poltrons de ma bande : à savoir, que tous mes déserteurs seraient gardés à la chaîne jusqu’à leur arrivée à Zanzibar, où ils seraient punis par le consul anglais. Sans cette menace, j’aurais perdu beaucoup de monde.

Aux ennuis de l’attente se joignaient mille contrariétés ; ce n’était que par le travail que j’échappais au désespoir. Écrire, dessiner, relever mes notes, faire le calcul de mes observations, absorbait une grande partie du jour. Le soir, je prenais mon