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L’enterrement d’un chef subalterne fait moins de victimes ; mais dans ces funérailles de seconde classe, il y a encore deux ou trois femmes ensevelies vivantes, et plus d’un homme égorgé. Quant à la plèbe, elle doit se contenter d’une fosse solitaire, où le mort est assis, l’index de la main droite levé vers le ciel et arrivant au niveau de la surface du sol.

Dans les premiers jours de mai, j’envoyai une escouade sur la route de Kanyoka, pour avoir des nouvelles des deux bandes que nous attendions toujours. L’escouade revint, ne sachant rien des absents, et rapportant que, sur la route qu’elle avait prise, tout le pays était dévasté par Kassonngo et par Coïmbra. En plus d’un endroit les cases avaient été incendiées, les hommes tués, les femmes et les enfants capturés.

Aucun village n’est assuré contre la destruction ; l’exemple suivant en est la preuve. Un chef vient lui-même apporter le tribut annuel. Kassonngo se montre fort satisfait ; en témoignage de son contentement, il dit au chef qu’il veut le conduire chez lui et voir ses administrés.

Ils partent ; le roi demeure bienveillant pendant toute la route ; mais à peine a-t-on aperçu les premières maisons, que des soldats entourent la place ; le chef est saisi, et, à la nuit close, se voit contraint par les gens de Kassonngo de mettre le feu au village ; après quoi il est massacré.

Les malheureux habitants, qui, fuyant l’incendie, se précipitèrent dans la jungle, y trouvèrent une embuscade. Les hommes furent tués, les femmes allèrent grossir les rangs des esclaves du harem.

Sous la double influence de la bière et du chanvre, qu’il boit et qu’il fume avec excès, Kassonngo agit en forcené, faisant mutiler ou mettre à mort indistinctement quiconque se trouve auprès de lui dans ses accès de délire.

Peu de temps après le retour de mon escouade, des hommes du Lovalé, qui avaient été en maraude du côté de Kanyoka, nous apprirent que nos deux bandes étaient dans ce dernier village, et ne pensaient pas à revenir. Il y avait plus d’un mois que la dernière de ces bandes était allée chercher l’autre. Mon impatience grandissait de jour en jour. Je n’osais pas faire la moindre excursion : si j’avais quitté mes ballots un instant, j’aurais été volé, et il me restait bien juste de quoi atteindre le premier comptoir portugais.