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que deux assistants aidèrent à maintenir, et dont le cadavre, placé au nord, à l’endroit également bénit, regarda le couchant.

Après s’être lavé la figure avec de l’eau mêlée au sang des victimes, le magicien prit dans sa bouche un peu de cette eau ensanglantée et la projeta d’abord vers le soleil, puis du côté du levant. Il se frotta ensuite la poitrine et les mains avec de la poudre d’écorce, prise dans la sébile, et avec de l’eau du sacrifice. Son acolyte répétait tous ses actes.

Une nouvelle quantité d’eau, tirée du vase apporté par le magicien, fut versée dans l’augette. Alvez et beaucoup de ses hommes se lavèrent la figure avec cette eau et se frottèrent les mains avec la poudre d’écorce. Plusieurs de mes gens, bien que disciples de Mahomet, suivirent leur exemple.

L’augette fut retirée de la tranchée, on mit dans la sébile un peu de son contenu, et le reste fut jeté dans la fosse, où l’on jeta également les petits morceaux de bois et les boules de fiente et d’argile.

Le féticheur ayant couvert tout cela avec l’auge, planta la branche nue au levant de cette couverture. Enfin, il prit la sébile remplie d’eau lustrale, et faisant le tour du camp, il aspergea les huttes devant lesquelles il passait. La chèvre et la poule lui restèrent comme gratification.

Toute la cérémonie, évidemment, s’adressait au soleil, qu’elle avait pour but de nous rendre propice.

Je me flattais de m’être débarrassé de Kassonngo en refusant de répondre à sa mendicité ; mais au milieu de la nuit je fus réveillé par un bruit de paroles assez vives ; c’était lui qui était en marché avec Alvez pour l’acquisition du raïfle, que, par parenthèse, il paya deux dents d’éléphant.

Dès qu’il m’aperçut, il vint à moi et me pria de lui donner des cartouches. Sans l’écouter, je lui tournai le dos et rentrai dans ma case.

Il fut bientôt à ma porte, criant du dehors : « Bouana Camroni, vissonnghi, vissonnghi ! » (Maître Cameron, cartouches, cartouches !)

Je me mis à rire, et criai à mon tour : « Kassonngo, Kassonngo, vissonnghi, vissonnghi. » Mais il continua sa requête, posant un chiffre de plus en plus bas et finit par en demander une seule.

Le lendemain de bonne heure, nous étions en route pour le village de Lounga Mânndi, situé, disait-on, à dix jours de mar-