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tra plus généreux que celui-ci ne le fut à mon égard. Il m’avait approvisionné pendant tout mon séjour à Totéla, — trois mois et demi, alors que je n’étais plus son hôte, — et à l’instant même où nous partions, je vis arriver quatre de ses hommes chargés, non seulement de sacs de riz et de farine qu’il m’envoyait, mais encore d’une provision de tabac.

Dans ces quatre premières marches, nous avions passé de nombreux cours d’eau et suivi pendant quelque temps le Kilouïlouï ou Rivière du Diable, un nom bien mérité.

Le Kilouïlouï se rue au fond d’une crevasse, dont les parois de grès n’ont pas entre elles un écart de plus de vingt yards, crevasse profonde d’où la lumière est exclue par les branches des arbres qui croissent sur les deux rives, et qui forment une voûte impénétrable aux rayons du soleil. Vue d’en haut, toute la gorge semble aussi noire que l’Érèbe. Près du bord, la falaise est couverte de fougères, puis descend à pic jusqu’au torrent qui rugit à quelque cinquante pieds du jour et que signalent des étincelles d’écume, dans les endroits où le roc entrave sa course impétueuse vers le Lovoï.

Les arbres superbes abondent dans la forêt. Entre tous, le mpafou se fait remarquer par sa taille et par sa beauté. D’autres ont pour soutènement un cône formé de quatre ou cinq contreforts, ayant six pieds de tour, et allant en diminuant jusqu’à vingt pieds du sol ; de cette base, le tronc s’élève, droit et cylindrique, à une hauteur de soixante-dix à quatre-vingts pieds avant d’émettre sa première branche.

Ainsi qu’il arrivait toujours après un repos trop prolongé, mes hommes étaient incapables de faire une longue marche. Dix furent bientôt dans l’impossibilité de prendre leurs charges ; l’un d’eux était si faible qu’on fut obligé de le porter. Ils attribuaient leur maladie à la mauvaise qualité de l’eau de Totéla ; mais je crois qu’ils n’avaient guère absorbé de cette eau impure : la bière et le vin de palme abondaient, et ils avaient tous, dans le village, des amis qui leur en donnaient à discrétion. Chose assez curieuse, tous ceux que j’avais envoyés à Kanyoka faisaient partie des malades.

Au pays montagneux, succéda une série de plaines qui doivent être des marais à peu près infranchissables dans la saison des pluies et qui, à l’époque de sécheresse où nous les rencontrions étaient encore spongieuses. De grands trous, dus au passage des