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Il se dit tout d’abord dans l’impossibilité de rien faire. Mais nous soutînmes nos droits, en qualité d’Anglais, et nous continuâmes à demander que l’homme qui avait insulté notre drapeau et qui avait menacé nos personnes fût mis en prison, ou bien que nous porterions l’affaire à Zanzibar, ajoutant qu’en pareil cas — le djémadar devait le savoir — ni son emploi, ni celui du commandant Issa n’aurait une durée de cinq minutes.

Les deux officiers n’en essayèrent pas moins de courir avec le lièvre ; mais, nous voyant résolus à ne pas reculer, ils promirent de faire droit à notre demande, et nous apprîmes dans la soirée que l’homme était en prison.

Il y eut ensuite, à propos du fait, deux journées de palabres. Nous voulions que le prisonnier reconnût ses torts, ou qu’il fût envoyé à Sa Hautesse. Les deux djémadars et les notables de la ville désiraient que l’affaire n’allât pas plus loin ; nous ne pouvions pas nous entendre.

Le troisième jour, nous eûmes la visite du père de l’offenseur, un bel Arabe, à barbe grise, à l’air plein de noblesse, qui me rendit confus en s’agenouillant devant moi et en me baisant les mains. Son fils était malade, me dit-il ; mais lui et quelques-uns des principaux habitants se rendaient responsables de ses actes.

L’humiliation de ce vieillard fondit ma résistance, et je consentis sur-le-champ à la libération du coupable. Toutefois, j’ajoutai qu’à l’avenir nous porterions des pistolets, et recommandai à l’Arabe de dire à son fils que, s’il menaçait de nouveau quelqu’un des nôtres ou s’il tirait son sabre en face de nous, il recevrait une balle.

Ainsi fut terminée cette désagréable affaire, qui en somme tourna à notre avantage : elle prouva que, si nous savions nous faire respecter, nous n’étions pas des gens vindicatifs.

Nous partîmes bientôt pour Chammba Gonéra, où nos tentes furent plantées à l’ombre de manguiers énormes, sur une pente herbue, dont un ruisseau arrose la base, ruisseau qui va rejoindre le Kinngani.

Le soir, nos vingt-quatre ânes étaient mis au piquet, sur deux lignes ; pendant le jour, on les entravait dans un endroit où l’herbe était bonne et l’ombre suffisante. Les ânes de selle, en outre de ce qu’ils mangeaient au pâturage, avaient une mesure de grain.