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Un examen attentif me fit reconnaître dans ce charbon la trachée de quelque bête fauve, Il me fut assez difficile d’éviter de manger cette friandise en présence du chef, Poporla était si désireux de me voir me régaler : « Oubliez que je suis là ; ne faites pas attention… » Mais prétextant d’une extrême politesse, j’échappai au délicieux morceau, qui, après le départ du donateur, fut vendu par mon domestique à l’un des hommes de Coïmbra pour un épi de maïs.

Alvez arriva le lendemain ; non seulement il n’avait pas repris ses esclaves, mais il en avait perdu trois autres. Il vint me trouver, et se lamentant beaucoup sur la dureté de son sort, il exprima l’espoir que je ne l’oublierais pas lors de notre arrivée à Benguéla. Je pus le lui promettre en toute équité de conscience ; car jusqu’à ma dernière heure il sera présent à ma mémoire comme l’un des produits les plus écœurants d’une fausse civilisation.

Partis de Kahouéla, nous arrivâmes près d’Anngolo, dont les habitants vinrent à notre rencontre : ils étaient pressés de nous vendre leur grain et leur farine pour des perles. Je vis alors qu’Alvez et toute sa bande s’étaient pourvus d’une sorte de verroterie qui leur permettait de s’approvisionner amplement. Ces perles particulières ne s’apportent pas de la côte occidentale : mes honnêtes compagnons avaient volé toutes les leurs aux Vouaroua, qui aiment passionnément ce genre de grain de verre et qui les achètent aux Arabes.

Les provisions faites, la caravane se remit en route ; elle campa dans la jungle et, le lendemain, se dirigea vers Loupannda, que nous atteignîmes après trois jours de marche dans un pays bien arrosé, où les villages avaient les mêmes fortifications que les précédents : estacade, fossé et contrescarpe. Les habitants de quelques-uns de ces forts refusèrent d’entrer en relations avec nous ; ailleurs, les indigènes vinrent d’eux-mêmes nous apporter du grain. Le sorgho venait d’être coupé ; il était abondant et à bas prix.

Mais ni les uns ni les autres ne nous laissèrent pénétrer dans leurs villages. Une fois, pendant que j’attendais la caravane, deux de mes hommes parvinrent à franchir la palissade d’un bourg, sans autre intention que de m’acheter une chèvre ou une poule. Aussitôt s’éleva un grand cri ; tous les habitants se retirèrent dans une enceinte intérieure, dont ils fermèrent les