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Alvez, en fort bons termes avec Cha Kalemmbé, s’arrangea de façon à prolonger notre halte jusqu’au 12 septembre, et le paya très cher. Malgré son amitié pour lui, Cha Kalemmbé l’obligea à donner un fusil et deux esclaves au Mata Yafa, chef supérieur de la partie occidentale du Lovalé, et qu’il ne faut pas confondre avec celui du Lonnda. L’un des esclaves qui furent livrés était une femme ; j’ai tout lieu de croire que c’était la favorite d’Alvez. Une autre femme du harem de celui-ci fut échangée contre un bœuf, tant cet homme avait peu de cœur.

Parmi les motifs qu’il fit valoir pour justifier cet arrêt de la caravane, Alvez me dit que Joâo n’avait pas d’avance sur nous, et qu’en partant tout de suite nous pourrions ne pas le rencontrer.

Pendant cette halte, un projet de vol, dont je devais être victime, fut découvert de la façon la plus curieuse, et fort heureusement pour moi, car sa réussite m’aurait privé de mes dernières ressources. Coïmbra et quelques autres, ayant entendu dire que j’avais des vionngouas, résolurent de s’en emparer. Ils décidèrent un des hommes de ma bande à entrer dans le complot, et lui donnèrent une certaine quantité de perles, à charge par lui de commettre le vol. Mais mon fidèle Djoumah, sachant tout le prix des vionngouas, les avait enfermés dans la caisse où étaient mes papiers, ce qui rendait le vol très difficile.

Sur ces entrefaites, Coïmbra et ses complices apprirent que je n’avais plus que deux fameux bijoux ; et quand ils surent que je venais de troquer l’un des deux contre une chèvre, ils pensèrent qu’il ne rentreraient pas dans leurs avances. N’éprouvant aucune honte de leur indignité, ils allèrent trouver Alvez, déposèrent leur plainte, et réclamèrent non seulement la valeur des perles qu’ils avaient données comme prix du vol, mais encore celle du poisson qu’ils auraient acheté avec mes vionngouas, si le vol avait été commis.

Je fis à ces extravagances la réponse qu’elles méritaient, et je dis à Alvez, en termes non équivoques, ce que je pensais des auteurs de cette réclamation inouïe, ainsi que du chef qui soutenait de pareilles gens. Il me répondit que s’il déplaisait aux gens en question, il aurait à s’en repentir, que nous n’étions pas en pays civilisé, que Coïmbra et ses associés étaient gentes bravos, et que les priver du butin sur lequel ils comptaient serait condamner à l’esclavage, sinon à mort, l’homme qui avait reçu les perles.