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était polie. Sauf un petit nombre de cactus qui avaient poussé dans les fentes voisines du sommet, ces blocs n’offraient aucune végétation. Plus loin, dans la gorge, se dressaient d’autres masses rocheuses qu’on aurait prises pour des bastions d’une forteresse de Titans.

Le sentier longeait le flanc nord de la passe, sur les corniches glissantes d’une falaise de granit, corniches séparées les unes des autres par des halliers où couraient des filets d’eau, pour aller rejoindre la rivulette qui chuchotait à des centaines de pieds plus bas que la route.

Parfois il nous fallait gravir des quartiers de roche en nous accrochant des mains et des genoux ; parfois, descendre dans la gorge pour éviter un bloc géant qui s’avançait en surplomb ; puis remonter la falaise au moyen de lianes qui poussaient dans les crevasses.

Des tombeaux et de nombreux ossements témoignaient de la quantité de victimes qui avaient péri en cet endroit. Des entraves et des jougs, encore attachés à des squelettes ou gisant auprès d’eux, montraient également que la traite de l’homme se faisait toujours sur cette ligne. D’autres fourches, d’autres liens pendaient aux arbres, et si peu détériorés, au moins un certain nombre, qu’évidemment il n’y avait pas plus d’un mois qu’ils étaient là. On les avait enlevés à des gens trop affaiblis pour qu’on pût redouter leur fuite, et avec l’espoir que le peu de forces qui ne suffisait pas à porter le poids des fers, permettrait au malheureux cheptel de se traîner jusqu’à la côte.

Nous nous arrêtâmes à l’issue de la gorge, pour nous baigner et reprendre l’énergie nécessaire à de nouveaux efforts.

Ces marches, effroyablement dures, commençaient à m’éprouver gravement. La tête et les jambes, surtout la cheville que je m’étais foulée dans l’Oulonnda, me faisaient beaucoup souffrir ; mais j’étais soutenu par l’idée que chacun de mes pas me rapprochait du repos.

Une nouvelle grimpée de quelques heures nous fit gagner un plateau découvert, plateau, hélas ! entouré de montagnes qui nous promettaient pour le lendemain un rude travail. Un peu avant le coucher du soleil, nous nous trouvâmes près d’un village du petit district de Kissandjé, et nous nous établîmes sous l’un des baobabs qui étaient là. C’était dans la passe dont il vient