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Une grande bâtisse, commencée par un Arabe avec l’intention de s’établir dans le pays, mais qui, non achevée, tombait en ruine, abrita la cargaison et donna asile à la majeure partie de la bande. Ceux de nos hommes qui ne trouvèrent pas à s’y caser partagèrent les huttes des habitants, afin d’échapper à la pluie qui tombait presque sans cesse, et qui le lendemain nous empêcha de partir de bonne heure. Elle nous arrêta, après une marche d’environ cinq milles, dans un village désert, où nos gens demandèrent à séjourner pour se procurer des vivres. Paresseux comme toujours, ils saisissaient tous les prétextes de repos ; et cet endroit, qui l’avant-veille était un pays de famine, nous était maintenant dépeint comme une terre de promission, tandis qu’en face de nous il n’y avait que stérilité.

Afin de passer le temps, Dillon et moi nous prîmes deux indigènes en qualité de guides, et nous partîmes pour la chasse ; mais bien qu’on trouvât des pistes d’antilopes et de cochons[1], les bêtes elles mêmes furent invisibles. Au bout d’une heure de recherché, nos guides entendant l’oiseau du miel[2], lui répondirent et firent un vacarme qui détruisit pour nous toute chance de succès.

Dans les fonds, le sol, gras et noir, avait été changé par les pluies en une boue tenace et glissante ; mais les éminences, étant sableuses, restaient comparativement sèches pendant les plus grandes averses.

Les Arabes qui avaient fait halte à Konngassa nous rejoignirent ; ils dressèrent leur camp près du nôtre et nous partîmes ensemble. La vallée était flanquée sur les deux rives d’une chaîne ininterrompue. Les bambous, les graminées à tige épaisse encombraient tellement le sentier, que l’on n’avançait qu’à grand’peine, et la hauteur de l’herbage nous dérobait la vue des collines, qui, dans les rares éclaircies où elle apparaissait, était ravissante. Ainsi, à la fatigue de s’ouvrir un chemin dans ce fourré, s’ajoutait la tantalisation de se savoir entouré d’une scénerie charmante et de ne pas pouvoir en jouir.

Ce jour-là, 30 avril, la couchée eut lieu à côté de Kiroka. Ayant pris de l’avance sur nous, les Arabes s’étaient approprié ce

  1. Tracks of pigs. Probablement les traces d’un cochon à verrue : phacochère ou sanglier à masque. (Note du traducteur.)
  2. Coucou indicateur, l’oiseau qui fait trouver les ruches. (Note du traducteur.)