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Peu de temps après, un tableau poignant s’offrit à nos regards : une multitude, composée d’hommes, de femmes et d’enfants, portant des articles de ménage, poussant devant eux des vaches et des chèvres, passa devant nous, comme des gens qui s’enfuient. C’étaient des habitants de plusieurs villages des environs de Mpouapoua, chassés de leurs demeures par les Vouadirigo, dont nous parlerons plus loin.

Deux longues étapes, dans une contrée absolument aride, nous séparaient de Mpouapoua ; ce qui nous fit connaître la tirikésa, ou marche forcée, l’une des épreuves les plus pénibles qu’on ait à subir en Afrique.

La tirikésa est combinée de telle façon qu’en partant dans l’après-midi, d’un endroit où il y a de l’eau, en prolongeant la marche longtemps après la chute du jour, et en repartant d’aussi bonne heure que possible, la caravane ne soit pas plus de vingt heures sans trouver à boire, au lieu de trente, ainsi qu’il arriverait si l’on partait le matin.

Le camp fut donc levé, chacune des tentes pliée à onze heures, nous laissant pendant deux heures, et sans le moindre abri, sous un soleil dévorant. Puis, jusqu’à la nuit close, on fut en marche sur une terre calcinée et poudreuse, que déchiraient des affleurements de granit et de quartz, blanchis et délités par le soleil et les pluies de la zone torride. Quelques baobabs, quelques euphorbes, une herbe sèche et rare, incendiée en maint endroit par les étincelles tombées des pipes des caravanes, formaient toute la végétation.

Arrivés à Matamonndo, nous fîmes halte. La rivière était complètement tarie : en aucun endroit le sable n’était humide. Cependant Issa avait entendu dire à Ougommbo qu’on trouvait de l’eau dans le voisinage ; et après de longues et pénibles recherches dans l’obscurité, une mare fut découverte à une distance d’environ deux milles. Les hommes s’y rendirent immédiatement pour étancher leur soif ; mais il fut impossible, vu l’état de la route, d’y envoyer nos malheureux ânes.

Le lendemain nous nous traînions depuis cinq heures du matin parmi des broussailles couvertes de poussière, montant et descendant des collines escarpées, franchissant des noullahs rocailleux, lorsque, vers deux heures de l’après-midi, nous approchâmes des pentes sur lesquelles est situé Mpouapoua. Une verte feuillée, des champs de sorgho, de maïs, de patates, une eau