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le tribut, était si occupé de la réparation de sa demeure, qu’il nous fit dire d’attendre la fin de ses travaux ; puis les travaux finis, il célébra l’événement par une orgie de pommhé, et fut ivre pendant trois jours.

Enfin, assez dégrisé pour reprendre ses fonctions, il nous fixa le chiffre extravagant de cent dotis (deux cents brasses de cotonnade). Par bonheur, une vieille paire de lunettes sans valeur aucune, lunettes bleues entourées d’étoffe de même nuance, frappa les regards, et lui parut si séduisante qu’il insista pour l’avoir. Nous déclarâmes naturellement que cet objet, d’un prix inestimable, nous était nécessaire ; et notre répugnance apparente à le lui céder aiguillonna tellement son désir, qu’il proposa d’abaisser le mhonngo à vingt dotis, si nous voulions y ajouter les lunettes : ce que nous fîmes avec joie.

Simple caprice, irrité par le refus ; car si nous avions offert ces lunettes en payement d’une partie du mhonngo, notre homme se serait moqué de nous. Je ne conseille pas aux voyageurs futurs de mettre cet article dans leur pacotille ; ils le trouveraient peu profitable. Mais il en est généralement ainsi avec les non-civivilisés : tout objet nouveau excite leur convoitise ; ils veulent l’avoir coûte que coûte ; puis, comme des enfants lassés d’un joujou neuf, au bout de quelques jours ils le jettent de côté.

Des caravanes descendantes arrivèrent pendant que nous étions là. L’un des traitants auxquels appartenaient ces caravanes me dit qu’après avoir quitté l’Ounyanyemmbé avec les gens que lui avait envoyés Stanley, Livingstone, n’ayant pas assez de monde, était revenu ; puis qu’il était reparti en février. Je ne pus découvrir à cette histoire aucun fondement ; d’où je présumai que mon informateur n’avait fait que traverser l’Ounyanyemmbé, en revenant du Karagoué, et que les nouvelles qu’il rapportait n’avait rien de certain.

Le lendemain de notre arrivée, nous avions eu la visite du petit-fils de Magommba, petit-fils qui devait hériter du pouvoir. Ce personnage était mieux vêtu que les gens ordinaires ; et comme insigne du haut rang qu’il occupait, il avait les ongles de la main gauche d’une énorme longueur, d’où la preuve qu’il ne s’était jamais livré à aucun travail manuel. Il y trouvait en outre le moyen de déchirer la viande, qui formait sa nourriture quotidienne, tandis qu’elle n’entre dans le menu du peuple que de loin en loin, et comme simple assaisonnement du potage.