Page:Camille Allary - Au pays des cigales - nouvelles et contes.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commencent à faire usage des défroques paternelles. Lorsque je suis entré dans le camp, toute cette marmaille s'est abattue à mes côtés. Les petites mains crasseuses se tendaient vers moi, et les bouches, rouges comme des fleurs de grenadier, criaient sur des tons différents : « Mozieu !... Mozieu !... oun peu dé tabac; ze prierai le bon Diou pour vous. » Puis ils se sont mis à jouer dans l'herbe, autour du camp. Les plus âgés fumaient de grosses pipes dont les noix chaudes venaient heurter, près du nombril, la peau jaune de leur ventre luisant et rebondi. Plusieurs femmes vaquaient aux soins du ménage. Un peu plus loin, accroupies sur le sol, quelques-unes de leurs compagnes disaient, moyennant une pièce de deux sous, la bonne aventure à de naïves paysannes. Elles leur prenaient les mains, les regardaient un instant, faisaient un simulacre de signe de croix dans le vide,