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vivant que lui. Le moment est venu de te dire une chose chère à mon cœur si rude, une chose dont le bouclier ni la cuirasse n’ont pu me défendre.

— Que veux-tu dire, ô Cimmérion ?

— Permets, acheva le prince en souriant encore, que j’éprouve, moi qui n’entends point la magie, la réalité de ton rêve. »

Il fit un signe à un officier. Quelques instants après, une tenture se souleva, et une femme voilée parut et se tint immobile.

« Connais maintenant, ô frère bien-aimé, le visage que recèle ce voile », dit Cimmérion en le soulevant sans brusquerie. Sparyanthis, surpris, considéra l’inconnue. Mais à peine eut-il posé son regard sur elle qu’il frémit, et que toute son âme changea : car celle qui se dressait devant lui, et qu’il n’avait jamais vue en aucun lieu de la terre, était l’être lui-même qu’il avait désiré en songe, ainsi que le disait en plaisantant Cimmérion inconscient de la portée de ses paroles. Et la coïncidence de cette beauté merveilleuse, ici vivante et taciturne, avec la beauté du rêve, avait quelque chose de mystérieux et de terrible.

« Ô Sparyanthis ! dit alors Cimmérion, voici mon épouse, et si ton rêve la prévit au moment même où l’on venait t’annoncer mon retour, c’est que les dieux voulaient, dès cette minute, associer son image à celle