Page:Camille Mauclair. Le poison des pierreries.pdf/35

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dais improvisé avec des boucliers et des armures de chefs vaincus, ils goûtaient la joie de se revoir. Cimmérion racontait la conquête, les fleuves franchis sous une pluie de javelines, les cavaleries dispersées, les combats dans les forêts en feu, les catapultes ouvrant les murailles, les assauts, les viols, le sang, les sanctuaires forcés, et son rire faisait osciller sa face léonine que rayait, rouge encore, la cicatrice fraîche d’un coup d’estoc arrêté par le frontal du casque. Sparyanthis racontait ses subtiles pensées, ses méditations en compagnie des mages, ses incantations, ses luxures et ses rêves. Et soudain il sourit, parce que l’image de la femme qu’il avait imaginée quelques heures auparavant réapparut dans sa mémoire, et comme Cimmérion lui demandait ce que signifiait ce sourire, il l’expliqua :

« Ô mon frère, dit-il en terminant, ce rêve m’annonçait un bonheur sous la forme d’une femme : j’ignorais alors que l’armée fût si proche, et que ce bonheur, ce fût celui de ton retour, présagé par cette illusoire messagère. »

Ce fut alors Cimmérion qui sourit et répondit :

« Ô Sparyanthis, mon jeune frère à l’esprit subtil, cette messagère n’était peut-être point illusoire, et si elle annonçait ma venue, peut-être n’était-elle point pour cela séparée de la vie réelle, et son visage, ô Sparyanthis, ne fit-il que précéder celui de ton frère sans être moins