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présage, et la réponse mensongère l’eût en tout cas rassuré. Il n’en était pas moins vrai que déjà deux chaînons d’un lien mystérieux existaient entre Sparyanthis et Alilat, un rêve et un mensonge se commandant l’un l’autre. Sparyanthis savait qu’il avait désiré dans le sommeil cette beauté soudain survenue, comme si son frère lui avait ramené une fiancée annoncée par les dieux. Devant la joie innocente du guerrier à l’âme primitive présentant celle qu’il aimait, comment Sparyanthis n’eût-il pas menti, comment, ayant eu l’imprudence de raconter sa vision, eût-il certifié une ressemblance qui eût jeté le trouble dans cette âme confiante du vainqueur ? Il fallait qu’il dissimulât et ne s’en repentait point. Mais comment Alilat l’avait-elle pénétré ? Là était le secret, à le nuage de péril. Sparyanthis n’aimait point Alilat, malgré le désir de son sommeil. Il s’appliquait à étudier sa beauté. Elle était extraordinaire. Jamais femme si blanche n’était apparue en Étésie. Cette blancheur de peau était plutôt celle d’une fée des ondes que d’une mortelle. Accoudé sur un coussin de soie, ou sur le socle de marbre d’une statue, le bras nu d’Alilat semblait s’appuyer sur une surface d’or ou d’ambre, et pourtant cette pâleur n’avait rien de la tombe, mais se révélait vivante et chaude. Il y avait dans la démarche et les attitudes d’Alilat, outre une harmonie facile à deviner, une inexprimable