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monstrueuse et splendide, l’intuition d’une pénétration plus efficace et plus profonde. Mais en même temps était morte l’amitié de Sparyanthis pour Cimmérion, il jugeait son frère, il ne concevait plus leur force et leur science comme deux conditions égales, son âme s’éloignait vers des régions où la spiritualité devait planer sans mélange, et il souffrait de ces luttes et de ces scrupules.

Farouche devint son existence, soutirée invisiblement. Il languissait dans les débauches, inactif. Vainement se montraient à lui les créatures animalement heureuses qui avaient jadis aidé à l’ascension de son âme : à présent, ayant dépassé la somme de rêves que donne l’excès du spasme, il le jugeait superflu. Au lieu d’extraire de toute femme la seconde d’infini qu’elle recèle, inconsciente, au pur écrin de son corps, il s’irritait de trouver toute chair limitée et impuissante, la seule pensée d’Alilat lui donnait une ivresse plus vaste : et il tentait de la posséder en rêve pour se libérer de cette fascination. Il somnolait, excédé de parfums, et ses vaines tentatives étaient suivies de crises de colère contre la pâle enchanteresse qui lui avait pris son bonheur instinctif de Barbare en éveillant en lui le vertige de l’absolu. Il se comprenait isolé de tous, poussé par son génie et l’impulsion passionnelle à une série de pensées inconnues de toute sa race, et de singulières cruautés naissaient en lui. On le voyait errer,