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comme les âmes du palais. Ils vivaient dès l’aurore et mouraient à la nuit tombante, lorsque le dernier cri scandé par les gardes de l’heure annonçait la période du silence. Souvent Sparyanthis aimait à les voir mourir un par un, avec un soupir suprême, comme des paons blancs irradiant leur roue diaphane. C’était pour lui la cause de mille images, qu’il les comparât à des fleurs, ou à des glaives, ou à des serpents, qu’il y vit le symbole de l’amour expirant à la limite du ciel impassible, ou qu’il les imaginât comme les jaillissements d’une souterraine mine de pierreries allant enrichir l’azur d’une myriade d’étoiles nouvelles. Ce soir-là, il sentit avec désolation que ces jets d’eau étaient les signes mêmes de ses scrupules, enlacés avec force, éparpillés, dissociés, brisés contre la pâleur de perle d’un ciel qui avait la couleur merveilleuse de la chair d’Alilat, puis retombés avec un doux bruit de sanglots. Et, tandis qu’il rêvait, l’un des élans se brisa, devint nul, rentra dans les ténèbres naissantes, puis un second, puis un troisième. Et au bord de la margelle marchait Sparyanthis le cœur battant, comme pour suivre leurs morts successives, et tout le jeu splendide de ces jets d’eau était celui d’une clepsydre immense notant les minutes suprêmes de son crime consenti, et ils retombaient avec la lourdeur de la fatalité elle-même, fracassant le miroir des bassins où frissonnait un tumulte de signes illisibles.