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Et, enfin, s’abîma en une descente vertigineuse le septième jet d’eau qui s’élevait à l’extrémité des berges contre un arceau de verdures humides et noires, et le prince Sparyanthis, levant les yeux, vit Alilat qui l’attendait avec le geste du silence.

Comme il faisait tout à fait nuit sous la voûte, il ne voyait d’elle que la blancheur de ses bras nus qui brillaient. Taciturnes, ils commirent le sacrilège.

Leurs amours furent d’abord celles de bêtes inconscientes, acharnées, hâtives comme si toute parole eût dû s’achever en morsure, plutôt que de toucher à la raison secrète de leur contact.

D’un seul sursaut remonta dans Sparyanthis le flot des voluptés délaissées, avec une fureur d’écume brisée contre cette indicible langueur pâle du corps d’Alilat abandonné dans les ténèbres. C’était un remous infinissable et sinueusement obstiné, dénoué par son expiration même et reformé vers le point central de cette bouche sombre, vers la lueur jumelle de ces longs yeux emplis d’une eau glacée et verte, insondable, introublable, exempte de larmes et de brumes. Jamais Sparyanthis, jusqu’alors maître de son plaisir, le dosant avec la science réfléchie d’un artiste, le relevant d’un certain goût de dédain et d’insouciance, n’avait éprouvé les