Page:Camille Mauclair. Le poison des pierreries.pdf/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 46 —

Alilat. D’autres fois, comme il passait dans une galerie, un jeune archer immobile mettait tout à coup sa main sur son bras. Il se cambrait, surpris, reconnaissait le double lac verdâtre des yeux inimitables, et rentrait dans son appartement où, rieuse, jetant l’arc et les faisceaux de flèches à plumes bleues, l’amante le saisissait avec l’audace d’un vélite courbant à son désir une molle Syrienne conquise. Et d’autres fois, alors qu’il songeait parmi ses instruments magiques, amas d’une science étrange, tables de granit noir, miroirs convexes, fioles de sang, armatures d’airain surélevant des globes où se réfléchissaient les étoiles, un mage muet entrait, et traçait sur le sol, à la pointe de sa baguette, l’hiéroglyphe qui signifie l’union des contraires. Alors, en frémissant, Sparyanthis, sous le bandeau constellé et la barbe postiche, discernait les yeux et les lèvres d’Alilat, dont les seins surgissaient sous la robe écartée. Ainsi elle se mêlait à toute sa vie, et tour à tour princesse, esclave, magicienne, prostituée, elle lui représentait les images principales auxquelles sa fantaisie corrompue avait toujours limité le monde.

Mais bientôt elle incarna pour l’anxiété et la stupeur de Sparyanthis un autre personnage. Elle fut presque maternelle. Dans l’excessive tension nerveuse de son plaisir, il s’abattait la face sur son lit, pleurant, et parfois se relevait hagard, songeant à son frère trahi, à leurs