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après un long engourdissement, Sparyanthis revoyait le jour en ne demandant qu’à prolonger l’illusion de l’innocence, l’oubli du crime. Alilat le faisait chercher, et au lieu de retrouver l’amante maternelle et douce, il rejoignait une maîtresse capricieuse offrant à sa fatigue, parmi les musiques et les fumées de parfums violents, l’ingénieux assemblage de nouvelles nudités groupées avec perversion parmi les chants, les rires, les fracas de festins, et la langoureuse ardeur du soleil, des fleurs, des chairs et des sonorités rendait à l’inquiet jeune homme son âme lascive et mauvaise un instant bannie.

Alilat jouissait silencieusement de son triomphe.

Et peu à peu son âme, corrosive et toute-puissante, décomposait celle de Sparyanthis. Par elle était vengée au sein même du plaisir l’insulte faite à sa race. Les deux frères dissociés, l’un trahi, l’autre dompté, c’était son œuvre ; elle éprouvait une exaltation infinie à penser que pour cette œuvre il lui avait suffi de l’amour, de ce sentiment extraordinaire qui résume le monde, et met au centre de toutes choses la femme inconsciente et tranquille. En satisfaisant son désir, elle satisfaisait sa rancune ; l’aimé était l’ennemi, le cycle était fermé, et de toutes les tortures de Sparyanthis se nourrissaient ses joies, et en le voyant souffrir, elle ne souffrait pas, bien qu’elle l’aimât, car elle savait que l’amour et la souffrance