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merais ? Plus vil que les complaisants des bouges, plus indigne de l’amour que le dernier de tes esclaves, tu t’es joué de moi : ton égoïste débauche m’accepta pour passe-temps, et que t’importait la profanation quotidienne de ton frère, souillant ce corps que je t’avais destiné ? Enfant corrompu et lâche, vicié par les caresses des mercenaires, pouvais-tu comprendre la grandeur de mon rêve, t’unir à moi, prévaloir par la force ? Tu as préféré le mentir à toi-même en invoquant un amour fraternel auquel tu ne crois plus, assez ennemi pour trahir, pas assez pour me reprendre ! Crois-tu que je te redoute ? Quand bien même tu appellerais ici les gardes, et quand même ton frère à ta voix paraîtrait pour me tuer, que m’importe la vie ? Dans la mort je ne serai plus votre double jouet, et j’oublierai du moins que je l’avais aimé ! »

Sparyanthis, éperdu, essayait de l’étreindre, mais elle l’écartait, continuait, secouée de spasmes :

« Oui, je t’avais aimé, parce que tu avais comme moi le secret des sciences qui mènent les foules, la connaissance des fluides et des nombres, l’amour de l’inconnu céleste ! Et je venais vers toi confiante, et lorsque de ma litière j’aperçus à la limite du soleil ta forme d’or comme une étoile arrêtée, je sus que c’était toi et nul autre, et je t’eusse reconnu entre dix mille pareils à toi, et mon âme et ma chair tressaillirent,