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et sans même apercevoir le soldat qui, chevauchant à ma droite, me ramenait captive et me destinait au dérisoire honneur nuptial, je respirai et me crus libre, heureuse ! Mais maintenant, il faut que, me bornant à ma triste vie, violée, raillée, prisonnière d’un ennui doré, enviant la vie des filles de tes montagnes, je me meure en ce palais en me refusant du moins à toi, fidèle à ce frère que tu aimes tant ! — Ô lâche ! lâche !

— Je hais Cimmérion, dit Sparyanthis pâle.

— Tu mens !

— Je hais mon frère ! Ô Alilat, je le hais. Quelque chose en moi se brise. Comme le reflet du soleil, colonne d’or et de cristal, se réfléchit dans les replis d’une eau noire, ainsi s’élève au gouffre de ma mélancolie ancienne ton image, colonne de joie, lumière et chaleur, vin de la vie ! Je hais celui qui te touche, j’ai connu par toi l’amour qui cède et qui supporte, j’ai banni la volonté dans le désir, et que m’importe mon royaume, factice comme l’âme que tu m’as arrachée !

— Si tu hais ton frère, alors, qu’il meure ! » dit lentement Alilat en mettant dans ce mot l’enjeu de toute sa vie. Sparyanthis tressaillit et elle crut qu’il allait mourir. Mais il se redressa et murmura :

« Si tu veux.

— Il faut que tu le veuilles !

— Je le veux… non, Alilat, c’est mon frère !