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LES BELLINI.

Les prédelles du retable de Pesaro — le Martyre de saint Pierre, Saint Georges (p. 97), la Nativité, Saint François recevant les stigmates et Saint Jérôme au désert — sont nettement « jacopesques ». Cette remarque est d’autant plus importante que ce sont les seuls fragments de peinture légendaire de Giovanni qui soient parvenus jusqu’à nous. Nul doute que, si nous avions encore sous les yeux les toiles perdues de la Scuola di San Marco et de la salle du Grand Conseil, la puissante action exercée par le chef de l’école sur son fécond disciple s’affirmerait d’une façon péremptoire.

C’est de la fin de cette deuxième période que l’on date la Transfiguration du musée de Naples (p. 105). Si l’on compare cette toile à la Transfiguration du musée Correr, on sera frappé de la transformation profonde qui s’est opérée dans les méthodes artistiques de Giovanni, au cours de ces vingt dernières années. Toute trace d’absorption mantegnesque a disparu, les draperies du Christ et des prophètes ont pris une ampleur majestueuse, et une grande part est faite au paysage — l’un des plus vivants et des plus intimes que l’artiste ait peints — ; mais l’esprit de la légende chrétienne s’est perdu. La Transfiguration s’opère dans une prairie, au fond d’une vallée, et — nécessairement, faute de contraste — le groupe des disciples est manqué. Quoique le développement de la technique de Giovanni s’opère sans heurts, le retable de Pesaro et cette Transfiguration inaugurent une ère nouvelle au point de vue de l’individualisation des types et de la perspective