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d’autres familles considérables, qui s’étaient servies de madame Du Barry pour faire tomber le duc, n’avaient pu, malgré leurs puissantes intrigues, penser à faire rompre une alliance solennellement annoncée, et qui touchait à de grands intérêts politiques. Sans renoncer à leurs projets, ils changèrent donc de marche ; et l’on verra plus bas comment la conduite du dauphin servit de base à leurs espérances.

Madame la dauphine ne cessait de donner des preuves d’esprit et de sensibilité : quelquefois même elle se laissait entraîner à ces élans de bonté compatissante, qui ne sont arrêtés ni par le rang, ni par les usages qu’il établit.

Lors de l’événement du feu de la place Louis XV, à l’occasion des fêtes du mariage, le dauphin et la dauphine envoyèrent l’année entière de leurs revenus, pour soulager les familles infortunées qui avaient perdu leurs parens dans cette journée désastreuse.

Cet acte de générosité rentre dans le nombre de ces secours d’éclat qui sont dictés par la politique des princes, au moins autant que par leur compassion ; mais la douleur de Marie-Antoinette fut profonde et dura plusieurs jours ; rien ne pouvait la consoler de la perte de tant d’innocentes victimes ; elle en parlait, en pleurant, à ses dames, lorsqu’une d’elles, cherchant sans doute à la distraire, lui dit qu’un grand nombre de filous avaient été trouvés parmi les cadavres, que leurs poches étaient remplies