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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/108

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constances, l’idée de son rang n’arrêtait jamais les effets de sa sensibilité. Plusieurs personnes de son service entraient un soir dans sa chambre, croyant n’y trouver que l’officier de garde[1] ; elles aperçoivent la jeune princesse assise à côté de cet homme déjà avancé en âge ; elle avait placé auprès de lui une jatte pleine d’eau, étanchait le sang qui sortait d’une blessure qu’il avait à la main, après avoir déchiré son mouchoir pour lui faire des compresses, et remplissait enfin auprès de lui toutes les fonctions d’une pieuse fille de la charité. Le vieillard, attendri jusqu’aux larmes, laissait par respect agir son auguste maîtresse. Il s’était blessé en voulant avancer un meuble un peu lourd que la princesse lui avait demandé.

Au mois de juillet 1770, un événement fâcheux, arrivé dans une famille que la dauphine honorait de ses bontés, contribua à montrer encore, non-seulement sa sensibilité, mais la justesse de ses idées. Une de ses femmes avait un fils officier dans les gendarmes de la garde ; ce jeune homme se crut offensé par un commis de la guerre ; un cartel en forme fut imprudemment envoyé : il tua son adversaire dans la forêt de Compiègne ; la famille du jeune homme tué, munie du cartel, demanda justice. Le roi, affligé de plusieurs duels qui venaient d’avoir lieu, avait malheureusement prononcé qu’il

  1. On appelait officiers de l’intérieur les valets de chambre et les huissiers.
    (Note de madame Campan.)