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On aurait désiré que Louis XV ne fît jamais de reparties plus amères. Les rois n’ont pas le droit d’être moqueurs : le persiflage est un genre de combat qui veut des armes égales, et l’on plaisante toujours de mauvaise grâce contre un railleur qui commande à vingt millions d’hommes. Il y a justice à convenir cependant que, souvent agresseur, Louis XV supportait sans humeur la vivacité des représailles. Peut-être même la familiarité imprévue de ces sortes d’attaques, était-elle une nouveauté piquante pour un roi fatigué si long-temps du poids de la grandeur. Ce prince, d’un caractère facile, d’une humeur triste, et d’un esprit satirique ; majestueux dans sa cour, irrésolu dans un conseil, aimable, dit-on, dans un souper, n’échappait plus à l’ennui que par l’intempérance ou la débauche. Une femme, dont la prostitution avait profané la jeunesse et les charmes, étonnait alors Versailles du scandale de sa faveur. Madame Du Barry préparait à cette époque le renvoi du ministre qui venait de négocier le mariage du dauphin avec l’archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche. Les intrigues de la favorite, la rivalité du duc de Choiseul et du duc d’Aiguillon, la disgrâce de l’un, l’humiliante élévation de l’autre, ont occupé les derniers momens du règne de Louis XV.

Le duc de Choiseul, léger, fier, emporté, mais aimable, brillant, généreux, avait un esprit actif, de grands talens et des idées vastes. Des changemens devenus nécessaires dans l’armée, des créations dans la marine, des institutions ou des alliances nouvelles, devaient l’aider à relever la France humiliée de ses longs revers. Cherchant un appui dans l’opinion, ami des parlemens, ennemi des jésuites, il tenait le pouvoir d’une main fa-