Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/13

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cile et légère. Une résistance, pourvu qu’elle fût ouverte et loyale, ne lui portait point trop d’ombrage : il croyait à la docilité d’une nation que son gouvernement veut rendre heureuse dans l’intérieur, puissante et respectable au dehors. Son orgueil, qui était un défaut, devint une vertu quand il ne sut point s’abaisser jusqu’à flatter de honteux caprices. Aimé quand il était puissant, recherché, j’ai presque dit flatté dans son exil, il inspira aux courtisans le courage inconnu parmi eux de rester fidèle au malheur.

Avec beaucoup d’adresse, d’audace et de constance, d’Aiguillon, dur, ingrat, absolu, tyrannique, ne montra jamais, soit dans son commandement, soit au ministère, de l’autorité que ses rigueurs. On lui crut des talens, parce qu’il avait l’esprit de l’intrigue et beaucoup d’ambition ; mais le partage de la Pologne, exécuté sous ses yeux, a flétri pour jamais sa politique et son nom. Courtisan délié, méchant homme, ministre inhabile, il fut l’objet de la haine publique, qu’il voulut braver, et qui l’accabla.

Le duc d’Aiguillon n’avait pas compris que la force n’est qu’un des moindres ressorts du pouvoir, quand le pouvoir n’est pas soutenu par la confiance que donnent des lumières, de grands services rendus, et surtout des succès éclatans. L’exemple de son grand-oncle le trompait. En opprimant les grands, Richelieu servait la France, son génie faisait excuser son despotisme. L’abaissement de l’Autriche, l’humiliation de l’Espagne, l’ordre violemment rétabli dans l’État, les lettres en honneur, le commerce encouragé, pouvaient absoudre son administration des actes tyranniques dont on a droit de l’accuser. Il donnait aux mesures du gouvernement