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sur le trône. En effet, rien ne fut plus admirable et plus touchant que le courage avec lequel elles affrontèrent la maladie la plus horrible : l’air du palais était infecté ; plus de cinquante personnes gagnèrent la petite vérole pour avoir seulement traversé la galerie de Versailles, et dix en moururent[1].

La fin de ce monarque approchait : son règne, assez paisible, avait conservé une force imprimée par la puissance de son prédécesseur ; d’un autre côté, sa faiblesse avait de même préparé les malheurs de celui qui régnerait après lui. La scène allait changer : l’espoir, l’ambition, la joie, la douleur, tous les sentimens qui s’emparaient diversement des cœurs des courtisans, se déguisaient vainement sous un extérieur uniforme. Il était aisé de démêler les différens motifs qui leur faisaient, à

  1. On lit, dans les Souvenirs de Félicie, les détails suivans sur la maladie du roi et sur le dévouement de Mesdames :

    « Le roi est à toute extrémité : outre la petite vérole, il a le pourpre ; on ne peut entrer sans danger dans sa chambre. M. de Letorière est mort pour avoir entr’ouvert sa porte afin de le regarder deux minutes. Les médecins eux-mêmes prennent toutes sortes de précautions pour se préserver de la contagion de ce mal affreux, et Mesdames, qui n’ont jamais eu la petite vérole, qui ne sont plus jeunes, et dont la santé est naturellement mauvaise, sont toutes trois dans la chambre, assises près de son lit et sous ses rideaux ; elles passent là le jour et la nuit. Tout le monde leur a fait à ce sujet les plus fortes représentations ; on leur a dit que c’était plus que d’exposer leur vie, que c’était la sacrifier. Rien n’a pu les empêcher de remplir ce pieux devoir. »

    (Note de l’édit.)