Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chaque instant, répéter à tous cette phrase : « Comment va le roi ? » Enfin, le 10 mai 1774, se termina la carrière de Louis XV[1].

La comtesse Du Barry s’était retirée depuis quelques jours à Ruelle, chez le duc d’Aiguillon ; douze ou quinze personnes de la cour crurent devoir y aller lui faire des visites ; leurs livrées furent remarquées ; et ce fut pendant long-temps un motif de défaveur. J’ai entendu, plus de six ans après la mort du roi, dire, dans le cercle de la famille royale, en parlant d’une de ces personnes-là : « C’était une des quinze voitures de Ruelle. »

Toute la cour se rendit au château ; l’œil-de-bœuf

  1. Louis XV, dès qu’il connut la maladie dont il était attaqué, désespéra de sa guérison. Je n’entends point, dit-il, qu’on renouvelle la scène de Metz, et il ordonna le renvoi de madame Du Barry. Mais les amis de la favorite n’avaient point encore abandonné la victoire. Les deux partis qui divisaient la cour s’attaquaient avec chaleur au pied du lit sur lequel était étendu Louis XV. On se disputait, pour ainsi dire, encore les derniers soupirs et les volontés incertaines d’un mourant. Louis XV avait à remplir des devoirs religieux. Ce moment, qu’un parti voulait hâter, et que l’autre avait intérêt de suspendre, occasionna les scènes les plus scandaleuses. Dans ce que l’abbé Soulavie en rapporte, tout n’est pas vrai sans doute. Il est difficile, par exemple, de supposer au sévère Christophe de Beaumont d’autres motifs que ses principes rigides, sa piété fervente, et le sentiment des obligations sacrées qu’il avait à remplir. Mais tout n’est pas faux non plus ; et l’on ne peut douter que Soulavie n’ait rapporté un grand nombre de particularités exactes, quand on compare son récit que nous donnons dans les pièces (lettre F) avec le tableau des mêmes scènes, tracé par le baron de Besenval dans ses Mémoires.
    (Note de l’édit.)