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se remplit de courtisans, le palais de curieux. Le dauphin avait décidé qu’il partirait avec la famille royale, au moment où le roi rendrait le dernier soupir. Mais dans une semblable occasion, la bienséance ne permettait guère de faire passer de bouche en bouche des ordres positifs de départ. Les chefs des écuries étaient donc convenus avec les gens qui étaient dans la chambre du roi, que ceux-ci placeraient une bougie allumée auprès d’une fenêtre, et qu’à l’instant où le mourant cesserait de vivre, un d’eux éteindrait la bougie.

La bougie fut éteinte : à ce signal les gardes-du-corps, les pages, les écuyers, montèrent à cheval, tout fut prêt pour le départ. Le dauphin était chez la dauphine. Ils attendaient ensemble la nouvelle de la mort de Louis XV. Un bruit terrible et absolument semblable à celui du tonnerre, se fit entendre dans la première pièce de l’appartement : c’était la foule des courtisans qui désertaient l’antichambre du souverain expiré, pour venir saluer la nouvelle puissance de Louis XVI. À ce bruit étrange, Marie-Antoinette et son époux reconnurent qu’ils allaient régner, et, par un mouvement spontané qui remplit d’attendrissement ceux qui les entouraient, tous deux se jetèrent à genoux ; tous deux, en versant des larmes, s’écrièrent : Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes.

Madame la comtesse de Noailles entra, la salua la première comme reine de France, et demanda à LL. MM. de vouloir bien quitter les cabinets inté-