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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/148

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sement ces usages comme tenant à des droits. Un jour d’hiver, il arriva que la reine, déjà toute déshabillée, était au moment de passer sa chemise ; je la tenais toute dépliée ; la dame d’honneur entre, se hâte d’ôter ses gants et prend la chemise. On gratte à la porte, on ouvre : c’est madame la duchesse d’Orléans ; ses gants sont ôtés, elle s’avance pour prendre la chemise, mais la dame d’honneur ne doit pas la lui présenter ; elle me la rend, je la donne à la princesse ; on gratte de nouveau : c’est Madame, comtesse de Provence ; la duchesse d’Orléans lui présente la chemise. La reine tenait ses bras croisés sur sa poitrine et paraissait avoir froid. Madame voit son attitude pénible, se contente de jeter son mouchoir, garde ses gants, et, en passant la chemise, décoiffe la reine qui se met à rire pour déguiser son impatience, mais après avoir dit plusieurs fois entre ses dents : C’est odieux ! quelle importunité !

Cette étiquette, gênante à la vérité, était calculée sur la dignité royale qui ne doit trouver que des serviteurs, à commencer même par les frères et les sœurs du monarque.

En parlant ici d’étiquette, je ne veux pas désigner cet ordre majestueux établi dans toutes les cours, pour les jours de cérémonies. Je parle de cette règle minutieuse qui poursuivait nos rois dans leur intérieur le plus secret, dans leurs heures de souffrances, dans celles de leurs plaisirs, et jusque dans leurs infirmités humaines les plus rebutantes.