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Paris avait, depuis la régence, et à raison du séjour de la maison d’Orléans au sein de la capitale, conservé un attachement et un respect tout particuliers pour cette branche ; et quoique la couronne s’éloignât de plus en plus des princes de la maison d’Orléans, ils avaient, surtout pour les Parisiens, l’avantage d’être les descendans de Henri IV. Une offense faite aux princes, et surtout à cette famille chérie, fut un sujet réel de défaveur pour la reine. C’est à cette époque, et peut-être pour la première fois, que les cercles de la ville et même de la cour s’exprimèrent, d’une manière affligeante, sur sa légèreté et sa partialité en faveur de la maison d’Autriche. Le prince, au sujet duquel la reine s’était attiré une querelle importante de famille et de prérogatives nationales, était d’ailleurs peu fait pour inspirer de l’intérêt ; très-jeune encore, manquant d’instruction et sans esprit naturel, il commettait, à chaque instant, des fautes ridicules.

Le voyage de l’archiduc fut de toute façon une mésaventure. Ce prince ne fit partout que des bévues : il alla au Jardin du roi ; M. de Buffon, qui l’y reçut, lui présenta un exemplaire de ses Œuvres ; le prince refusa le livre, en disant, le plus poliment du monde, à M. de Buffon : « Je serais bien fâché de vous en priver[1]. » On peut juger si les Parisiens se divertirent de cette réponse.

  1. Joseph II, lors de son voyage en France, voulut rendre aussi visite à M. de Buffon, et dit à cet homme célèbre : Je viens chercher l’exemplaire que mon frère a oublié.
    (Note de l’édit.)