Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/173

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promptement en désordre, par le peu de soin qu’il mettait à sa tenue. Son organe, sans être dur, n’avait rien d’agréable ; s’il s’animait en parlant, il lui arrivait souvent de passer, du médium de sa voix, à des sons aigus. Son précepteur, l’abbé de Radonvilliers[1], savant, aimable et doux, lui avait donné, ainsi qu’à Monsieur, le goût de l’étude. Le roi avait continué à s’instruire ; il savait parfaitement la langue anglaise. Plusieurs fois je l’ai entendu traduire les passages les plus difficiles du poëme de Milton : il était géographe habile, et se plaisait à tracer et à laver des cartes ; il savait parfaitement l’histoire, mais peut-être n’en avait pas assez étudié l’esprit. Il appréciait les beautés dramatiques et en portait de fort bons jugemens. Un jour, à Choisy, plusieurs dames se récrièrent sur ce que les comédiens français devaient y représenter une pièce de Molière ; le roi leur demanda pourquoi elles désapprouvaient ce choix ? Une d’elles répondit qu’il fallait convenir que Molière était d’un très-mauvais goût ; le roi répondit que l’on pouvait trouver dans Molière beaucoup de choses de mauvais ton, mais qu’il lui paraissait difficile d’en rencontrer qui fussent de mauvais goût.

Ce prince unissait à tant d’instruction toutes les qualités du meilleur époux, du plus tendre père, du maître le plus indulgent, et, quand on songe à tant

  1. L’un des quarante de l’Académie française.