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de vertus, les années qui se sont écoulées depuis la barbarie des factieux et le malheur des Français, sont insuffisantes pour se persuader que le crime soit parvenu à l’accomplissement du forfait le plus inouï.

Le roi montrait malheureusement un goût trop vif pour les arts mécaniques. La maçonnerie, la serrurerie, lui plaisaient au point qu’il admettait dans son intérieur un garçon serrurier avec lequel il forgeait des clefs, des serrures ; ses mains, noircies par ce travail, furent plusieurs fois, en ma présence, un sujet de représentations et même de reproches assez vifs de la part de la reine qui aurait désiré pour le roi d’autres délassemens[1].

Austère et sévère pour lui seul, le roi remplissait exactement les lois de l’Église, jeûnait et fai-

  1. Louis XVI voyait dans les travaux de la serrurerie les applications qu’elle pouvait avoir pour une étude plus élevée. Il était excellent géographe. L’instrument le plus précieux et le plus complet pour l’étude de cette science, a été commencé par ses ordres et sous sa direction. C’est un immense globe en cuivre qui existe en ce moment à la bibliothèque Mazarine, et qui n’est point achevé. Louis XVI a lui-même inventé et fait exécuter sous ses yeux l’ingénieux mécanisme qu’exigeait le jeu de ce globe.

    Un homme qui prétend être entré dans ses appartemens secrets, à Versailles, après le 10 août, nous a conservé, sur les dispositions de ses cabinets, de ses livres, de ses cartes, de ses papiers, de ses meubles et des outils qu’il employait, une foule de détails qui peignent, avec beaucoup d’intérêt, ses goûts, son caractère, ses occupations, ses habitudes. De pareils détails sont presque à la vie privée d’un prince, ce qu’un portrait est pour sa ressemblance, un fac-simile pour son écriture. (Voyez la lettre M.)

    (Note de l’édit.)