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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/187

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charger ; sous prétexte de vouloir exécuter fidèlement les commissions de Sa Majesté, elle faisait lire les lettres aux marchands, et parvint à faire dire, dans beaucoup de maisons, que la reine avait pour elle des bontés particulières. Cette femme agrandit son projet, et se fit demander par la reine de lui trouver à emprunter 200,000 francs dont elle avait besoin, ne voulant pas faire au roi la demande de fonds particuliers. Cette lettre montrée à M. Béranger, fermier-général, produisit son effet ; il se trouva heureux de pouvoir rendre ce service à sa souveraine, et s’empressa de remettre les 200,000 francs à madame de Villers. Quelques doutes suivirent ce premier mouvement ; il les communiqua à des gens plus instruits que lui de ce qui se passait à la cour ; on augmenta ses inquiétudes : il alla trouver M. de Sartine qui dévoila toute l’intrigue ; la dame fut envoyée à Sainte-Pélagie, et l’infortuné mari ruiné par le remboursement de la somme empruntée et le paiement des bijoux faussement achetés au nom de la reine : les lettres imitées furent envoyées à Sa Majesté ; je les ai comparées en sa présence avec sa propre écriture, on n’y remarquait qu’un peu plus d’ordre dans les caractères.

Cette fourberie, découverte et punie avec prudence et sans passion, ne produisit pas plus de sensation dans le monde que celle de l’inspecteur Goupil.

Si l’esprit d’indépendance répandu dans la nation avait déjà dépouillé le trône de quelques-