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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/212

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vait fait la grâce particulière de m’y admettre, et je suivais partout Sa Majesté dans le groupe qui l’environnait. Lorsqu’elle parcourut les jardins, elle trouva, dans le premier bosquet, des chevaliers armés de toutes pièces, endormis au pied d’arbres auxquels étaient suspendus leurs lances et leurs écus. L’absence des beautés qui avaient inspiré tant de hauts faits aux neveux de Charlemagne et aux preux de ce siècle, avait occasionné ce sommeil léthargique. Mais la reine paraît à l’entrée du bosquet, à l’instant ils sont sur pied ; des voix mélodieuses annoncent la cause de leur désenchantement, et le désir qu’ils avaient de signaler leur adresse et leur valeur ; de-là ils passèrent dans une arène très-vaste, décorée avec magnificence et dans le style exact des anciens tournois.

Cinquante danseurs, en habits de pages, présentèrent aux chevaliers vingt-cinq superbes chevaux noirs, et vingt-cinq d’une blancheur éclatante et très-richement enharnachés. Le parti, à la tête duquel était Auguste Vestris, portait les couleurs de la reine : Picq, maître des ballets de la cour de Russie, commandait le parti opposé ; il y eut course à la tête noire, à la lance, enfin combat à outrance, parfaitement simulé : quoique l’on fût convaincu que les couleurs de la reine ne pouvaient qu’être victorieuses, les spectateurs n’en éprouvèrent pas moins toutes les sensations diverses et prolongées qu’amène l’incertitude du triomphe.