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que, s’étant trouvée seule avec le baron, il avait commencé par lui dire des choses d’une galanterie qui l’avait jetée dans le plus grand étonnement, et qu’il avait porté le délire jusqu’à se précipiter à ses genoux, en lui faisant une déclaration en forme. La reine ajouta qu’elle lui avait dit : « Levez-vous, Monsieur : le roi ignorera un tort qui vous ferait disgracier pour toujours ; » que le baron avait pâli et balbutié des excuses ; qu’elle était sortie de son cabinet sans lui dire un mot de plus, et que, depuis ce temps, elle lui parlait à peine. La reine, à cette occasion, me dit : « Il est doux d’avoir des amis ; mais, dans ma position, il est difficile que les amis de nos amis nous conviennent autant. »

En courageux courtisan, le baron sut dévorer également la honte d’une démarche aussi coupable, et le ressentiment qui en avait été la suite naturelle : il ne perdit point l’honorable faveur d’être placé sur la liste des gens reçus dans la société de Trianon.

Ce fut au commencement de 1778 que mademoiselle d’Éon obtint la permission de rentrer en France, à condition qu’elle n’y paraîtrait qu’en habit de femme. M. le comte de Vergennes pria M. Genet, mon père, premier commis des affaires étrangères, qui avait connu très-anciennement le chevalier d’Éon, de recevoir ce bizarre personnage chez lui, pour diriger et contenir, s’il était possible, sa tête ardente. La reine, venant d’apprendre son arrivée à Versailles, envoya un valet de pied dire à mon père de la conduire chez