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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/242

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honneur et fut blessé : nommé premier secrétaire de légation, puis ministre plénipotentiaire à Londres, il offensa l’ambassadeur comte de Guerchy par les outrages les plus sanglans : ils furent de nature à ce que l’ordre officiel de faire rentrer le chevalier en France, fût délivré au conseil du roi ; mais Louis XV retarda le départ du courrier qui devait porter cet ordre, et en fit secrètement partir un qui remit au chevalier d’Éon une lettre de sa main où il lui disait : « Je sais que vous m’avez servi aussi utilement sous les habits de femme, que sous ceux que vous portez actuellement. Reprenez-les de suite ; retirez-vous dans la cité ; je vous préviens que le roi a signé hier l’ordre de vous faire rentrer en France ; vous n’êtes point en sûreté dans votre hôtel, et vous trouveriez ici de trop puissans ennemis. » J’ai entendu plusieurs fois, chez mon père, le chevalier d’Éon répéter le contenu de cette lettre où Louis XV séparait ainsi son existence personnelle de celle du roi de France. Le chevalier ou la chevalière d’Éon avait conservé toutes les lettres du roi. MM. de Maurepas et de Vergennes désirèrent retirer de ses mains des lettres que l’on craignait qu’il ne fît imprimer. Depuis long-temps, ce bizarre personnage sollicitait sa rentrée en France ; mais il fallait trouver un moyen d’épargner à la famille qu’il avait offensée l’espèce d’insulte qu’elle verrait dans son retour : on lui fit reprendre le costume d’un sexe auquel on pardonne tout en France. Le désir de