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elle partagerait avec elle ceux qu’exigeait l’éducation de sa fille. Le dauphin, établi dans son appartement, reçut, dans son berceau, les hommages et les visites d’usage. Le duc d’Angoulême rencontrant son père à la sortie de l’appartement du dauphin, lui dit : « Mon Dieu, papa, qu’il est petit, mon cousin ! — Il viendra un jour où vous le trouverez bien assez grand, mon fils, » lui répondit presque involontairement le prince.

Enfin la naissance d’un dauphin sembla mettre le comble à tous les vœux ; la joie fut universelle ; le peuple, les grands, tout parut, à cet égard, ne faire qu’une même famille : on s’arrêtait dans les rues, on se parlait sans se connaître, on embrassait tous les gens que l’on connaissait. Hélas ! l’intérêt personnel dicte ces sortes de transports, bien plus que ne les excite l’attachement sincère pour ceux qui paraissent en être les objets ; chacun voit, dans la naissance d’un légitime héritier du pouvoir souverain, un gage de prospérité et de tranquillité publiques[1] !

Les fêtes furent aussi brillantes qu’ingénieuses : les arts et métiers de Paris dépensèrent des sommes

  1. Le soir même du jour où le dauphin vint au monde, madame Billoni, actrice de la Comédie Italienne, qui faisait un rôle de fée dans la pièce qu’on représentait, chanta ce joli couplet d’Imbert :

    Je suis fée et veux vous conter
    Une grande nouvelle :
    Un fils de roi vient d’enchanter
    Tout un peuple fidèle.