Aller au contenu

Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fut si général, que la police ayant mal surveillé l’ensemble de cette réunion, les fossoyeurs eurent l’impudence d’envoyer aussi leur députation et les signes représentatifs de leur sinistre profession. Ils furent rencontrés par la princesse Sophie, tante du roi, qui en fut saisie d’effroi, et vint demander au roi, que ces insolens fussent à l’instant chassés de la marche des corps et métiers qui défilait sur la terrasse.

Les dames de la Halle vinrent complimenter la reine, et furent reçues avec le cérémonial que l’on accordait à cette classe de marchandes ; elles se présentèrent au nombre de cinquante, vêtues de robes de soie noire, ce qui, jadis, était la grande parure des femmes de leur état ; presque toutes avaient des diamans : la princesse de Chimay fut à la porte de la chambre de la reine recevoir trois de ces femmes qui furent introduites jusqu’auprès du lit ; l’une d’elles harangua Sa Majesté : son discours avait été fait par M. de La Harpe, et était écrit dans un éventail sur lequel elle jeta plusieurs fois les yeux, mais sans aucun embarras ; elle était jolie et avait un très-bel organe. La reine fut touchée de ce discours et y répondit avec une grande affabilité, voulant distinguer ces marchandes des poissardes qui lui faisaient toujours une impression désagréable[1]. Le roi fit donner un grand

  1. Les poissardes prononcèrent trois discours, au roi, à la reine et au dauphin. Peut-être sera-t-on curieux de les trouver ici : elles dirent au roi  :

    « Sire, si le ciel devait un fils à un roi qui regarde son peuple