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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/269

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Les gardes-du-corps obtinrent du roi la permission de donner à la reine un bal paré dans la grande salle de l’Opéra de Versailles : Sa Majesté ouvrit le bal par un menuet qu’elle dansa avec un simple garde nommé par le corps, et auquel le roi accorda le bâton d’exempt. La fête fut des plus brillantes ; tout était alors joie, bonheur et tranquillité.

Le dauphin avait un an lorsque la banqueroute du prince de Guéménée nécessita la retraite de la princesse sa femme, gouvernante des enfans de France[1].

La reine était à la Muette pour l’inoculation de Madame, sa fille ; elle me fit ordonner de m’y rendre et voulut bien me dire qu’elle désirait s’entretenir avec moi d’un projet qui la charmait, mais dans lequel elle envisageait des inconvéniens : ce projet était de nommer la duchesse de Polignac à

  1. Le Brun avait placé toutes ses économies chez le prince de Guéménée : sa banqueroute le ruina. Il s’en vengea par cette épigramme, dans laquelle on reconnaît l’humeur d’un poëte satirique et le ressentiment d’un créancier :

    Quand un beau prince, escroc sérénissime,
    Nous allégea de trente millions,
    Maint bon vieillard, souffreteux, cacochyme,
    Porter lui fut ses lamentations :
    C’était pitié de voir leur doléance.
    Lors un matois, chargé de la créance,
    Les avisant, leur dit : Ne larmoyez ;
    Princes ne sont qu’honneur et conscience !
    Sans perdre rien vous serez tous payés
    Dans cinquante ans ; ne faut que patience !

    (Note de l’édit.)