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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/294

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rouges et seulement passé une redingote, descendit dans le jardin, et se rangea, avec un air mystérieux, dans deux endroits différens, pour voir défiler la famille royale et sa suite.

Sa Majesté fut vivement offensée de cette hardiesse, et ordonna le lendemain le renvoi de son concierge ; on fut généralement révolté de la déloyauté du cardinal envers ce malheureux homme, et peiné de la perte qu’il faisait de sa place. Touchée de l’infortune d’un père de famille, ce fut moi qui obtins sa grâce ; je me suis reproché, depuis, le mouvement de sensibilité qui me fit agir. Le concierge de Trianon renvoyé avec éclat, l’humiliation qui en serait rejaillie sur le cardinal eût fait connaître plus publiquement encore les préventions de la reine contre lui ; eût probablement empêché la honteuse et trop célèbre intrigue du collier. Sans la manière astucieuse dont le cardinal s’était introduit dans les jardins de Trianon, sans l’air de mystère qu’il avait affecté toutes les fois que la reine l’y avait rencontré, il n’aurait pu se dire trompé par aucun intermédiaire entre la reine et lui.

La reine, fort prévenue contre le roi de Suède, le reçut avec beaucoup de froideur[1]. Tout ce que l’on disait sur les mœurs privées de ce souve-

  1. Gustave III, roi de Suède, voyagea en France sous le titre de comte d’Haga. À son avènement à la couronne, il conduisit avec autant d’habileté que de sang-froid et de courage la révolu-